Rose et bleu, les demoiselles Cahen d’Anvers, Elisabeth et Alice), 1881 ; Renoir

Huile sur toile, 119 x 74 cm (M)

Museu de Arte de São Paulo, Brazil

 

L’histoire de cette commande est un bon exemple de la manière dont Renoir se constitua un réseau de clients pour ses portraits, et aussi des relations quelquefois difficiles entre les clients et leur peintre. Duret, critique d’art et défenseur des impressionnistes, avait emmené Renoir aux réceptions que donnait un certain Cernuschi (un orientaliste avec lequel Duret était allé au Japon) ; c’est là que Renoir fit la connaissance de Charles Ephrussi (financier devenu directeur de la Gazette des Beaux-Arts) qui, à son tour, l’introduisit auprès de Mme Cahen d’Anvers, femme d’un banquier. Elle lui commanda d’abord le portrait d’Irène, sa fille aînée (Zurich, fondation Bûhrle), puis ce double portrait de ses deux filles cadettes, Elisabeth (née en décembre 1874) et Alice (née en février 1876).

Renoir acheva ce tableau juste avant de partir pour Alger, à la fin de février 1881 ; comme il l’écrivait à Duret, il était incapable de dire si ce tableau était bon ou mauvais. Le paiement semble avoir beaucoup tardé, car Renoir, qui se remettait d’une pneumonie à l’Estaque, écrivait à Charles Deudon (lui aussi familier du cercle de Cernuschi) en manifestant sa mauvaise humeur : « Quant aux quinze cents francs des Cahen, je me permettrai de vous dire que je la trouve raide. On n’est pas plus pingre. Décidément je lâche les Juifs. » De son côté, la famille Cahen n’était pas satisfaite non plus : personne ne voulait avoir ce tableau dans sa chambre, et il fut relégué à l’étage des domestiques. Ce tableau est pourtant une variation brillante sur le thème des robes d’une élégance recherchée des deux petites filles, la blonde vêtue de bleu, la brune de rose, dans un salon richement décoré. Renoir avait choisi un format comparable à celui des portraits de cour du XVII° siècle, en particulier aux portraits d’enfants en pied de Van Dyck, dans lequel la petite taille des enfants exige, comme dans le tableau de Renoir, un point de vue plus rapproché et plus intime associé aux atours du portrait d’apparat.

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