Madame Georges Charpentier (Marguerite-Louise Lemonnier, 1848–1904) et ses enfants, Georgette-Berthe (1872–1945) and Paul-Émile-Charles (1875–1895), 1878; Renoir

Huile sur toile, 153.7 x 190.2 cm

The Metropolitan Museum of Art, New York ; Catharine Lorillard Wolfe Collection

 

Parmi les hommes d’un goût éclairé qui, en contradiction avec le public, ont su d’abord comprendre l’art neuf des Impressionnistes se trouve l’éditeur Charpentier. Charpentier, héritier d’une maison d’édition à succès, étendit les résultats économiques de cette dernière grâce à son habilité pour découvrir de nouveaux talents comme Flaubert ou Zola. Il épousa en 1872 une jeune fille de bonne famille, Marguerite Lemonnier, dont le père avait été un grand mécène, protégeant Géricault et à Delacroix. George Charpentier—l’éditeur de Zola, Maupassant, et Daudet—et sa femme ont occupé une position importante dans la vie intellectuelle et sociale de Paris, et leur maison a servi de cadre pour les rassemblements réguliers des principales figures d’art français, des lettres, et de la politique, et c’est là qu’a été peinte ce magnifique portrait, concrètement dans le séjour, décoré au style japonais tellement du goût du moment.

Charpentier fit peindre à Renoir un premier portrait de sa femme, une tête, envoyé à l’exposition de la rue Le Peletier en 1877. Ce portrait avait été jugé excellent, dans le petit cercle où l’on savait apprécier les Impressionnistes.

M. et Mme Charpentier, encouragés par ce succès, demandent alors à Renoir une œuvre des plus importantes qui nécessitera pas moins de quarante séances de travail : Mme Charpentier sera peinte en grandeur nature, dans une composition  avec ses enfants. Le tableau, tel qu’il existe, la montre en effet élégamment habillée de noir, assise sur un sofa, dans le salon japonais de la rue de Grenelle ; à côté d’elle, ses deux enfants, Paul avec elle sur le divan et Georgette assise sur  le chien Porto. La robe de chez Worth de Madame Charpentier et le décor japonais de la pièce représentent l’exemple de l’élégance contemporaine.

La composition est structurée avec maîtrise, en rappelant les oeuvres classiques avec la mère placée dans la zone centrale de la scène, s’équilibrant avec les figures des enfants dans la gauche avec la table et la chaise du fond. En même temps, les différents éléments sont placés sur des plans parallèles pour créer l’effet de profondeur, à travers une diagonale accentuée en perspective. Les tonalités sont aussi disposées de manière structurée, créant d’intéressants contrastes entre les tons noirs et ceux clairs. Tout l’ensemble est coloré, les lambris du fond, le tapis du parquet, les vêtements multicolores de la mère et des enfants, le poil noir et blanc du gros chien, forment un assemblage de tons tranchés, tous en valeur et en même temps tenus dans une grande harmonie et une parfaite justesse.  Bien que la touche soit rapide et fluide, nous trouvons une importante dose de dessin et de modelé qui ne se trouve pas dans les paysages de ces années.

Renoir choisit de ne pas participer à la quatrième exposition Impressionniste, en 1879. Il préfère soumettre son travail au Salon officiel. Madame Charpentier et Ses Enfants est exposée en bonne place, accrochée à la cimaise, à 1,20m du sol, et  le public se presse pour l’admirer. La toile est acceptée par le jury et obtient un important succès, ce qui  suppose la fin des difficultés économiques de cette époque pour le peintre. Les critiques lui ont été favorables comme celle de Marcel Proust, qui a écrit : "La postérité apprendra plus de la poésie contenue dans une maison élégante et  des beaux vêtements de nos jours dans le tableau de Renoir du salon de l’éditeur Charpentier que du portrait  de la princesse de Sagan réalisé par Auguste Cot ou celui peint  pour  Chaplin de la comtesse de la Rochefoucauld".

La relation entre l’éditeur Georges Charpentier et Renoir a été ensuite particulièrement étroite.

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