Jeune fille endormie, ou fille au chat, 1880 ; Renoir

Huile sur toile, 120 x 94 cm

Sterling and Francine Clark Art Institute, Williamstown, Massachusetts

 

Dans les premiers jours de l’année 1880, Renoir se rompt le bras droit dans un accident à vélo et il essaye désespérément alors d’apprendre à utiliser sa main gauche pour continuer à peindre. Il envoie au Salon de Paris deux oeuvres : Ramasseuses de moules et cette toile, et proteste, avec son bon ami Monet, sur la mauvaise mise en place des tableaux dans l’exposition, – « dans ka galerie circulaire qui règne autour du jardin, où les reflets su soleil leur font le plus grand tort », en arrivant à publier une proposition de réforme du salon officiel dans "Chronique des Tribunaux" du 23 mai, obligeant Zola à intervenir dans le débat. Toutefois, Renoir n’envoie pas ses travaux à la cinquième exposition des impressionnistes, ce qui nous indique qu’il commençait déjà à être en désaccord avec les propositions de ses anciens compagnons. Les figures féminines se transformeront en protagonistes de la majorité de ses travaux depuis ce moment, ou habillées et dans un intérieur comme dans ce cas ou les célèbres baigneuses en plein air, contrairement à celles de Degas.

La jeune fille dort assise dans un fauteuil rouge avec un chat gris dans son giron. Il s’agit d’Angèle, fleuriste à Montmartre qui est l’un des modèles préférés de Renoir entre 1878 et 1881. « Effrontée et naïve », elle amuse le peintre par son « riche vocabulaire argotique ». Vêtue ici d’une  jupe bleue et d’un corsage blanc, une de ses bretelles tombant pour laisser voir une partie de son épaule, rendant plus sensuelle et délicate la pose du modèle. Ce qui frappe avant tout est le bleu vif de la robe de cette jeune femme rendu plus intense encore par le rouge du fauteuil sur lequel le modèle est assis, isolé dans un espace indéterminé. On est surpris par le chapeau incongru qui coiffe la dormeuse et ses bas rayés de paysanne qu jurent avec le fauteuil crapaud très bourgeois. Le fond est presque neutre,  les éléments compositionnels se réduisant à la figure et au fauteuil rouge dans lequel avait aussi posé Aline Charigot dans Jeune femme lisant une revue illustrée. L’oeuvre est chargée de douceur et d’intimité, mettant en rapport Renoir avec les travaux de Berthe Morisot ou les futurs de Mary Cassatt. La forme, le volume, le dessin et celui modelé commencent à occuper un rôle déterminant dans l’oeuvre du maître, laissant dans en second plan la couleur et à la lumière typiquement impressionnistes.

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